La théorie de la régulation n’est plus seulement identifiée à une recherche de type macroéconomique (modes de régulation des économies nationales et du capitalisme mondial). Elle traite aussi désormais des entreprises et de champs sectoriels classiques (automobile, agroalimentaire…) comme plus originaux (éducation, santé, ESS, RSE…) ainsi que de problématiques transversales fondamentales (écologie, genre, connaissances…).
Faisant intervenir une centaine d’universitaires spécialistes de divers champs de la socio-économie et prenant en compte cette extension des champs de recherche régulationnistes, cet ouvrage s’impose comme le « nouvel état des savoirs ». Il sera un outil de travail efficace et durable pour la communauté étudiante – du master au doctorat – comme pour les chercheurs et chercheuses avancées et constituera une référence pour intégrer les transformations structurelles de la société à une économie politique renouvelée.
Apparue dans les années 1970, la théorie de la régulation s’inscrit dans les approches d’économie politique relevant de l’institutionnalisme historique. Elle s’est largement renouvelée depuis, notamment pour comprendre les dynamiques de modes de régulation et régimes d’accumulation autres que le fordisme, pour appréhender la diversité des espaces socio-économiques,
mais aussi pour mieux intégrer les questions d’écologie ou de genre, par exemple. Ce Nouvel état des savoirs en rend compte pour mieux outiller l’enquête, discuter les résultats et réinterroger l’approche régulationniste, en créant des synergies avec d’autres approches et disciplines. Cette introduction générale en retrace les principaux éléments.
Les économies se transforment et affrontent des facteurs de crises majeures, véritables défis pour l’économie en tant que discipline : l’urgence écologique est désormais une préoccupation vitale ; les inégalités économiques et la précarisation sociale s’aggravent ; l’inertie des inégalités de genre ou de race est frappante alors même que ces catégories sont des constructions socio-historiques souvent mal appréhendées par les économistes ;
les politiques néolibérales suscitent des contestations dont les formes se durcissent et l’intensité croît ; la crise du Covid-19 interroge la hiérarchie dominante entre intérêts économiques et logiques de santé publique ; les stratégies rentières et les impératifs géopolitiques, hier négligés au profit de la recherche de la performance économique dans la compétition internationale, font un brutal retour. Comprendre comment de tels phénomènes interagissent et les articuler dans une matrice systémique est un trait saillant de l’approche régulationniste ; en faire l’état des lieux est un premier enjeu de cet ouvrage.
Autre enjeu, fournir des outils à une nouvelle génération de chercheurs en économie mais aussi en sociologie, sciences politiques ou géographie qui aspirent à maîtriser des concepts et des méthodes pour mener leurs recherches dans des domaines socioéconomiques variés. Enfin, la théorie de la régulation (TR) comme matrice intellectuelle se doit de faire le point sur ses acquis mais aussi ses impensés afin d’identifier de nouvelles perspectives par un effort conjoint d’auto-analyse, de mise en regard avec d’autres approches et, surtout, de confrontation au terrain, qui est l’épreuve de vérité de toute démarche scientifique.
Cette triple ambition est présentée dans cet ouvrage avec un effort d’exposition aussi pédagogique que possible du cadre d’analyse, ouvert à des discussions internes et externes : la matrice d’analyse régulationniste peut être enrichie de multiples façons, notamment par un élargissement et un approfondissement critique des thèmes, méthodes et concepts abordés. Cet effort se traduit aussi par une partie explicitement méthodologique, afin de fournir une palette d’outils variés à l’étudiant en économie ou au chercheur confirmé.
S’il propose une grande diversité de thématiques et de perspectives, il ne peut pas, cependant, être exhaustif. Il n’était évidemment pas possible de réunir tous les chercheurs qui, en France, au Québec, en Autriche, etc., ont contribué et contribuent à la TR. Ce « nouvel état de l’art » vise d’abord à situer et restituer certains résultats et renouvellements conceptuels et empiriques de la TR en vue de susciter de nouveaux développements.
Initiée en 1976 par Michel Aglietta, avec plusieurs bilans collectifs (Boyer &
Saillard dir., 1995, actualisé et augmenté en 2002 ; Boyer dir., 2018), la TR s’est en effet renouvelée. Certains concepts ont été réévalués, de nouveaux terrains analysés, des problématiques originales explorées. Cette dynamique est, bien sûr, d’abord ancrée dans les travaux d’un réseau de recherche qui s’est développé en France et à l’étranger. L’association Recherche & Régulation et surtout la Revue de la Régulation1 s’en font l’écho régulier mais non exclusif : ces travaux s’inscrivent dans le champ des institutionnalismes (Théret, 2003 ; Chavance, 2012) et n’ont pas vocation à constituer une école au sens strict, comme en témoigne aussi la liste des auteurs de cet ouvrage.
Ce Nouvel état des Savoirs poursuit donc la même ambition didactique qui a fait le succès de Théorie de la régulation, un état des savoirs (1995, réédité en 2002) : des chapitres courts, des tableaux et schémas, des bibliographies de référence et un sommaire qui offre un panorama non exhaustif mais aussi large et stimulant que possible. Susciter la curiosité, l’appétit de recherche, mieux outiller l’enquête, discuter les résultats et réinterroger la grille d’analyse pour renforcer la cohérence et l’avancée du programme et les synergies avec autres approches et disciplines, voilà ce qui nous a animés dans la réalisation de cet ouvrage.
Page 1 à 16
- Introduction. La théorie de la régulation : analyser un monde qui change
- Robert Boyer, Jean-Pierre Chanteau, Agnès Labrousse, Thomas Lamarche
Partie A. L’approche régulationniste : cadre heuristique et méthodes
Sous-partie A1. Des fondements renouvelés
Page 19 à 27
Page 28 à 37
Page 38 à 43
Page 44 à 50
Page 51 à 56
Page 57 à 64
Page 65 à 72
Page 73 à 85
Sous-partie A2. Reconfiguration des formes institutionnelles
Page 87 à 95
Page 96 à 103
Page 104 à 113
Page 114 à 121
Page 122 à 129
- Chapitre 13. La théorie de la régulation et l’international
- Jean-Christophe Graz, Charlie Dannreuther
Page 130 à 136
Page 137 à 146
Sous-partie A3. Enquêter : multiplicité et complémentarité des méthodes
Page 155 à 163
Page 164 à 171
- Chapitre 18. Modélisation des régimes de croissance économique dans une perspective régulationniste
- Hiroshi Nishi
Page 172 à 179
Page 180 à 186
Page 187 à 194
Page 195 à 202
- Chapitre 22. Apports des méthodes mixtes à la théorie de la régulation
- Pierre Labarthe, Eléonore Schnebelin
Page 203 à 210
Partie B. Fertilisations croisées
Page 212 à 218
- Chapitre 24. Théorie post-keynésienne et théorie de la régulation : du dialogue à l’hybridation ?
- Jonathan Marie
Page 219 à 226
Partie C. Terrains et concepts en mouvement
Sous-partie C1. L’écologie au cœur de la théorie de la régulation ?
Page 287 à 295
- Chapitre 34. Régulation des ressources et mode d’usage de l’eau : analyser la diversité et le changement institutionnels
- Arnaud Buchs
Page 296 à 302
- Chapitre 35. Climat et banque centrale : vers un nouveau régime de central banking ?
- Laurence Scialom
Sous-partie C2. Crises, rentes et financiarisation
Page 304 à 313
Page 314 à 319
- Chapitre 37. Analyse du régime d’accumulation et du mode de régulation de la financiarisation
- Mickaël Clévenot
Page 320 à 326
Page 327 à 335
- Chapitre 39. Une approche relationnelle des liens de pouvoir entre finance privée et État
- Benjamin Lemoine
Page 336 à 342
Sous-partie C3. Dynamiques et pluralité monétaires
Page 344 à 350
Page 351 à 358
Sous-partie C4. Rapport social d’activité et mutations du travail
- Page 428 à 437
Page 438 à 446
- Chapitre 53. Rupture de la trajectoire de l’enseignement supérieur et de la recherche : une analyse méso
- Thomas Lamarche, Sandrine Michel
Sous-partie C5. Transformations des espaces méso
Page 448 à 454
Page 455 à 461
- Chapitre 55. Dérégulation de l’hôpital : le symptôme d’un nouveau régime de santé
- Jean-Paul Domin, Amandine Rauly
Page 462 à 470
Page 471 à 479
- Chapitre 57. Régimes d’accumulation et socialisation de l’agriculture et de l’alimentation
- Gilles Allaire
Page 480 à 487
Page 488 à 495
- Chapitre 59. Les transformations du football professionnel européen : une analyse méso-régulationniste
- Jérémie Bastien
Page 496 à 502
Sous-partie C6. L’entreprise et au-delà : extensions et contestations
- Page 504 à 513
- Chapitre 61. Conceptualiser l’entreprise dans la théorie de la régulation
- Jean-Pierre Chanteau, Nicolas Postel
- Page 514 à 520
- Chapitre 62. Penser la diversité des entreprises de l’ESS
- Nadine Richez-Battesti
- Page 521 à 528
- Chapitre 63. Chaînes globales de valeur : une mise en perspective méso-régulationniste
- Pascal Grouiez
- Page 529 à 536
- Chapitre 64. Économie numérique et organisation industrielle : enjeux du capitalisme de plateformes
- Matthieu Montalban
- Page 537 à 544
- Chapitre 65. Théorie de la régulation et communs
- Gilles Allaire
Partie D. Trajectoires nationales & rapports de forces internationaux
Page 547 à 553
Page 554 à 562
Page 563 à 569
Page 570 à 576
Page 577 à 583
- Chapitre 70. Argentine : conflits entre deux logiques et récurrence des crises
- Julio César Neffa, Gustavo Ludmer
Page 584 à 591
- Chapitre 71. Trajectoires d’Afrique subsaharienne : pluralité, spécificités et asynchronies dans la mondialisation
- Bruno Losch
Page 592 à 597
- Chapitre 72. La diversité du capitalisme asiatique : des institutions économiques aux régimes politico-économiques
- Hironori Tohyama, Yuji Harada
Page 598 à 603
- Chapitre 73. Un régime original déstabilisé par l’ouverture internationale : le cas du Japon
- Yasuro Hirano, Toshio Yamada
Page 604 à 611
- Chapitre 74. Rapport hiérarchique marché-firme et ses transformations pour l’économie japonaise
- Akinori Isogai, Hiroyasu Uemura
Page 612 à 619
Page 620 à 628
- Chapitre 76. La transformation du régime d’accumulation de la Chine et ses modes (trans-)régionaux depuis 2013
- Ngai-Ling Sum
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Vincent Gayon (1 décembre 2023). Théorie de la régulation, un nouvel état des savoirs. Sociologie politique de l'économie. Consulté le 10 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/uiyk