- Agnès Hirsch (doctorante IRISSO, université Paris-Dauphine), Agir et convaincre dans l’incertitude ? L’argument statistique dans les délibérations parlementaires sur les accidents du travail (1881-1898)
- Théo Régniez (doctorant IRISSO, université Paris-Dauphine), Prévoir l’économie à l’Assemblée : les « usages argumentatifs » de la mise en nombre de la situation économique.
Vous trouverez ci-dessous le résumé de leurs interventions et de leurs thèses.
Agnès Hirsch
Agir et convaincre dans l’incertitude ? L’argument statistique dans les délibérations parlementaires sur les accidents du travail (1881-1898)
La présentation s’inscrit dans un travail de thèse qui interroge, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, la relation entre le développement de la législation du travail et l’intérêt que suscite le travail comme objet de mesures et d’enquêtes. L’objectif est d’analyser l’utilisation des enquêtes et des données chiffrées produites par les administrations mandatées et en voie d’institutionnalisation dans le processus décisionnel, ainsi que le rôle d’acteurs qui ont des intérêts à défendre dans les lois relatives au travail et qui revendiquent une expertise sur ces questions.
La première partie de la thèse s’appuie sur l’étude des fonds de plusieurs organisations ouvrières et patronales mais aussi d’archives administratives (organisation du recensement) et parlementaires (ordres du jour du Sénat et de la Chambre des députés). Elle montre comment le travail ouvrier devient progressivement un objet de mesures (législatives et statistiques) et d’enquêtes au cours du XIXe siècle, et ce que cette objectivation implique en parallèle comme formes de réappropriations, de réceptions, de revendications par les acteurs concernés qui revendiquent une expertise sur ces questions.
La seconde partie de la thèse, qui est l’objet de la présentation, suit une loi « en train de se faire », la loi sur les accidents du travail, à partir de l’étude des délibérations parlementaires entre 1881 et 1898. L’objectif de la présentation est d’exposer les premiers résultats de l’analyse des débats parlementaires quant aux sources de la documentation mobilisée par les sénateurs et députés, à la place et au rôle des données chiffrées et des enquêtes dans les chambres, ainsi qu’aux enjeux de formalisation et de qualification qui y sont soulevés et éventuellement résolus. Un des objectifs de la présentation est de montrer le caractère négocié de l’expertise qui se construit autour des accidents du travail à cette période et d’analyser la capacité de certains acteurs, et notamment des organisations patronales, à s’imposer dans ce cadre d’action.
Théo Régniez
Prévoir l’économie à l’Assemblée : les « usages argumentatifs » de la mise en nombre de la situation économique
La présentation s’inscrit dans un travail de thèse qui ambitionne de décrire et d’analyser les logiques de production et de circulation des savoirs sur la situation économique. Une telle démarche implique dès lors de décrire les différents espaces dans lesquels sont produits ces savoirs (institutions publiques, organismes indépendants, banques etc.). On peut ainsi délimiter les contours d’une activité prévisionnelle dont la légitimité a considérablement évolué depuis les années 1980. Cette cartographie de la prévision économique en France permet de resituer l’organisme ethnographié dans cet espace et offre donc un contexte à la description fine du travail déployé par les prévisionnistes. L’analyse de la construction d’un discours sur une « réalité floue » est complétée par l’étude de deux formes distinctes de contraintes qui pèsent sur l’élaboration des prévisions. D’une part, il arrive que l’entité « économie » elle-même devienne incontrôlable et impossible à décrire. Les situations de crise sont caractéristiques de ces moments où la compréhension des phénomènes est fluctuante et la circulation des discours potentiellement altérée par les conséquences d’une forme de performativité des savoirs sur la situation économique. L’économie agit alors directement sur ceux qui lui donne vie. D’autre part, les acteurs économiques peuvent tenter d’agir sur l’économie et sa construction précisément par l’intermédiaire d’une influence plus ou moins directe sur les logiques de production des savoirs économiques. La mise en débat des prévisions économiques oscille alors entre instrumentalisation de savoirs considérés comme scientifiques et mise à distance de ces savoirs par un travail de critique de leur crédibilité.
L’intervention dans le cadre du séminaire adressera ce dernier point en analysant la place des prévisions économiques dans les débats parlementaires sur les projets de loi de finances et les éventuelles conséquences de la mise en place en 2012 d’une évaluation indépendante des prévisions économiques du gouvernement par une institution rattachée à la Cour des comptes : le Haut Conseil des Finances Publiques.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Vincent Gayon (1 décembre 2023). Argument statistique et mise en ordre de l’économie. Sociologie politique de l'économie. Consulté le 9 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/uiyl